25

 

Allô

Est-ce que j’ai fait le bon numéro ?

Allô

Oui, je cherche l’homme que j’aimais

Allô

Pouvez-vous aller me le chercher ?

Allô

Je sais que c’est là qu’il habitait

Allô

Et je sais aussi qu’il m’aimait

Allô

Je vous en prie, je voudrais lui parler

 

« Allô »

Interprété par Heather Wells

Paroles et musique : Jones/Ryder

Extrait de l’album Ensorcelée

Disques Cartwright

 

 

Patty arrête la voiture devant la maison, même si Frank ne cesse de répéter que je n’y serai pas en sécurité, puisque quelqu’un essaie de me tuer et tout le tralala.

Tout ce que je veux, c’est prendre un bain, me mettre au lit, et dormir un millier d’années. Et non discuter à n’en plus finir au sujet de l’assassin, et du fait qu’il sait peut-être où je vis. Or Frank insiste pour que j’aille dormir chez eux.

Jusqu’à ce que Cooper fasse remarquer que ça pourrait mettre Indy en danger. Tout d’abord, je suis choquée que Cooper puisse dire quelque chose d’aussi affreux. C’est seulement en constatant la rapidité avec laquelle Frank réplique qu’« il vaut effectivement mieux que je reste avec Cooper, vu que c’est son métier de lutter contre le crime », que je comprends où Cooper voulait en venir. Il sait que je veux rentrer à la maison. Il sait que je n’ai pas envie de dormir dans la chambre d’ami, chez Frank et Patty.

Et parce que c’est Cooper, et qu’il me vient toujours en aide dans les situations critiques (en m’hébergeant quand je n’ai nulle part où aller, et que je n’ai pas l’argent pour payer un loyer ; en m’accompagnant à une soirée à laquelle il n’a pas vraiment envie d’aller, car il pourrait y croiser une ex avec qui les choses ont mal fini ; en risquant sa vie pour sauver la mienne…), il a fait en sorte que j’obtienne ce que je désire.

Sauf, bien sûr, ce que je désire le plus au monde.

Mais qu’il n’est visiblement pas près de me donner, pour des raisons que j’ignorerai sans doute toujours – et que je préfère, de toute façon, ne pas connaître.

Ce qui ne me pose aucun problème. Je suis compréhensive, comme fille. J’ouvrirai toute seule mon cabinet médical, mon agence de détective, ou ma boutique de bijoux.

Bien sûr, j’aurai plus de mal à faire les enfants sans lui, mais je trouverai bien un moyen.

Heureusement, mon téléphone est sur liste rouge et, lorsque nous nous arrêtons devant la maison, aucun journaliste ne rôde autour de la maison. Juste les dealers habituels.

À ma vue, Lucy saute de joie – même si c’est Cooper qui va devoir la promener, puisque je suis incapable de tenir une laisse, vu l’état de mes mains. Lorsqu’ils sont tous deux sortis, je monte à mon appartement. Là, je retire mes vêtements crasseux et me glisse enfin dans la baignoire.

Or, prendre un bain avec des points de suture aux mains n’est pas une mince affaire. Avant de pouvoir me laver les cheveux, il me faut sortir de la baignoire, aller à la cuisine, trouver des gants en caoutchouc et les enfiler. Le docteur m’a bien dit que si je mouille les points de suture, je risque de perdre mes mains, ou un truc dans ce goût-là.

Une fois débarrassée de tout ce sang et de tout ce cambouis, je reste étendue dans la baignoire, à laisser tremper mon épaule, et à m’interroger sur la marche à suivre.

Car, tout de même, les choses se présentent mal. Quelqu’un essaie de me tuer, et ce quelqu’un a, sans doute, déjà tué au moins deux personnes. Le seul point commun entre les deux victimes paraît être le fils du président de l’université.

Or, à en croire la police, Chris n’a vraisemblablement pas pu essayer de me faire sauter, puisqu’il n’était pas en ville au moment des faits.

Ce qui signifie qu’un individu, autre que Chris, cherche à me tuer. Et que ce serait cet individu, et non Chris, qui aurait tué les deux filles.

Mais qui ? Et pourquoi ? Et d’abord, pour quelle raison pourrait-on vouloir assassiner Elizabeth Kellogg et Roberta Pace ? Qu’ont-elles bien pu faire pour mériter de mourir ? À part s’installer à Fischer Hall, bien sûr. Oh, et avoir une aventure, aussi brève fût-elle, avec Chris Allington.

Est-ce ça ? Ça qui a provoqué leur mort ? Le fait qu’elles soient sorties avec Chris ? Magda aurait-elle vu juste ? Pas en suggérant que les filles se sont suicidées quand elles ont découvert – après avoir patiemment conservé leur virginité jusque-là – que le sexe était loin d’être une expérience aussi transcendante qu’on le prétend. Mais en laissant entendre que les filles sont mortes à cause du sexe. Seulement, elles ne se sont pas suicidées. Quelqu’un, qui désapprouvait leur conduite, les a tuées.

Une personne dans le genre de Mme Allington, par exemple ? Qu’est-ce qu’elle m’a dit, au juste, avant l’incident de l’ascenseur ? Quelque chose au sujet des « filles comme moi ».

« Les filles comme vous n’arrêtent pas de lui courir après », a-t-elle affirmé. Ou un truc dans ce goût-là.

« Les filles comme vous. » Son attitude envers moi a été des plus hostiles, et va bien au-delà de la simple contrariété d’avoir été réveillée par mon coup de sonnette. Mme Allington serait-elle l’une de ces mères abusives, qui pensent qu’aucune femme n’est digne de leur précieux rejeton ? Mme Allington aurait-elle tué Elizabeth et Roberta ? Puis tenté de me tuer, moi, lorsque j’ai menacé de percer son secret à jour ?

Eurêka ! J’ai trouvé ! C’est Mme Allington l’assassin ! Mme Allington ! Ce que je suis fortiche ! La plus grande détective depuis Sherlock Holmes ! Une seconde… c’est un personnage de fiction, non ? Il n’a pas existé pour de bon…

Eh bien, disons… la plus grande détective depuis… depuis… Eliot Ness ! Il a existé, lui ?

— Heather ?

Je sursaute, faisant gicler l’eau savonneuse.

Ce n’est que Cooper.

— Je voulais m’assurer que tu allais bien, dit-il à travers la porte close. Tu as besoin de quelque chose ?

Euh, oui. De toi, tout nu, avec moi dans la baignoire. Et tout de suite !

— Non, ça va bien.

Devrais-je lui révéler que j’ai deviné qui m’a fait cela ? Ou vaut-il mieux que j’attende d’être sortie du bain ?

— Bon, on pourrait manger un morceau, quand tu auras fini. Je nous fais livrer un truc. Ça te va, de la nourriture indienne ?

Miam miam… des samoussas aux légumes.

— Super !

— Très bien. Dépêche-toi de sortir. Il faut que je te parle.

Faut qu’il me parle ? De quoi ? De ce qu’il éprouve réellement pour moi ? Je t’ai toujours considérée comme… J’ignore toujours ce qu’il pense de moi, vu qu’il n’a jamais fini sa phrase.

Va-t-il me le dire enfin ? Et ai-je vraiment envie de savoir ?

Deux minutes plus tard, emmitouflée dans un peignoir en tissu-éponge et mes cheveux mouillés enveloppés d’une serviette, je m’installe à la table de la cuisine, sur mon siège habituel. Oh, j’ai envie de savoir, aucun doute là-dessus !

— C’était rapide, me lance Cooper, assis en face de moi.

Puis il ouvre son ordinateur portable.

Une minute ! Son ordinateur portable ? A-t-on déjà entendu parler de types utilisant des supports audiovisuels pour dire aux filles ce qu’ils pensaient d’elles ?

— Que sais-tu, au juste, de Christopher Allington ? demande Cooper.

— Christopher Allington ?

Ma voix se brise. Peut-être parce que j’ai tellement crié, plus tôt dans la journée. Ou parce que j’ai la gorge nouée tant je suis choquée de découvrir que Cooper veut juste me parler de ses soupçons à l’égard de Chris, et non de ses sentiments pour moi. C’est rageant, à la fin.

— Ça ne peut pas être Chris, dis-je, histoire de changer de sujet et d’en revenir à… à moi, quoi ! L’inspecteur Canavan affirme que…

— Lorsque j’enquête sur une affaire, interrompt Cooper d’une voix calme, je l’examine sous toutes les coutures. Pour le moment, Christopher est le seul dénominateur commun entre les victimes. Et ce que je te demande, c’est : que sais-tu de lui, au juste ?

Peut-être pourrais-je encore une fois lui imposer mes pensées par télépathie, comme dans Star Trek ? C’EST QUOI, CE QUE TU AS TOUJOURS PENSÉ DE MOI ?

— Eh bien. Pas grand-chose…

— Tu sais où il a fait son premier cycle ?

— Non.

C’EST QUOI, CE QUE TU AS TOUJOURS PENSÉ DE MOI ?

Levant les yeux vers lui, j’ajoute :

— Pourquoi ? Tu le sais, toi, où Chris a fait son premier cycle ?

— Oui, dit Cooper. À Earlcrest.

— Où ça ?

La suggestion télépathique n’a pas l’air de marcher ! La preuve, au lieu de me dire ce qu’il pense de moi, il ne fait que déblatérer au sujet de Chris Allington. Qui se soucie de Chris ? Et moi, alors ! QU’EST-CE QUE TU PENSES DE MOI ?

— À l’université d’Earlcrest, dit-il. C’est là que Chris a effectué son premier cycle.

J’ai le ventre qui gargouille. Bon, alors, ils arrivent, ces samoussas ?

— Qu’est-ce que tu racontes, Cooper ? Et d’abord, comment sais-tu où Chris a fait ses études ?

Il hausse ses larges épaules.

— Le SIE.

— L’essieu ? je répète, confuse.

— Non. Le SIE. Le système d’information sur les étudiants.

Comme je continue à le fixer sans comprendre, il pousse un soupir.

— Ah oui… J’avais oublié que tu étais nulle en informatique.

— C’est pas vrai ! Je passe mon temps à surfer sur le Net. Et je fais toute ta compta…

— Mais, à ton bureau, ils ont un train de retard. Le SIE n’a pas encore trouvé sa voie jusqu’à la direction des dortoirs…

— Des résidences universitaires !

— Des résidences universitaires.

Cooper est en pleine action. Il pianote sur son clavier plus vite que je ne change les accords à la guitare.

— Regarde ! J’entre dans le système d’information. Tu vas comprendre ce que je voulais dire, à propos de Christopher Allington. Ça y est ! Allington, Christopher Phillip. Jette un coup d’œil !

Je fixe l’écran miniature. Il y a là tout le dossier scolaire de l’étudiant Christopher Allington, enrichi d’informations supplémentaires, tels les résultats de ses examens et ses emplois du temps. Il s’avère que Chris a fréquenté bon nombre de lycées privés. Il a été renvoyé d’un établissement suisse pour avoir triché. Et d’un autre, dans le Connecticut, pour un motif non précisé. Tout cela ne l’a pas empêché d’entrer à l’université de Chicago, qui a pourtant la réputation d’être sélective. Je me demande quelles ficelles son père a bien pu tirer pour faciliter son admission.

Le séjour de Chris dans la ville venteuse a été de courte durée. Il a laissé tomber au bout d’un semestre. Et a fait un break… qui a visiblement duré quatre ans.

Et puis, soudain, il a débarqué à Earlcrest, d’où il est sorti l’année dernière, avec quelques années de plus que ses camarades, mais ayant tout de même obtenu sa licence.

— L’université d’Earlcrest. Dont son père était président avant d’être nommé à l’université de New York, je me souviens.

— Ah, le népotisme ! s’exclame Cooper avec un sourire. Toujours bel et bien présent dans les couloirs de nos universités.

— D’accord, dis-je, toujours dans l’incompréhension. Alors il a été viré de quelques bahuts quand il était gosse, et la seule fac où il a pu entrer est celle dont son père est président. Ça prouve quoi ? Ça n’en fait pas forcément un tueur psychopathe.

Je n’en reviens pas, de me retrouver à prendre la défense de Chris. Sa mère est-elle tellement plus crédible, comme meurtrière ?

— Comment es-tu parvenu à accéder à ce fichier, d’ailleurs ? Ce n’est pas censé être confidentiel ?

— J’ai ma technique ! dit Cooper en orientant à nouveau l’écran vers lui.

— Mon Dieu. (Y a-t-il une chose que cet homme ne sache pas faire ?) Tu as piraté le système !

— Tu t’es toujours demandé à quoi je passais mes journées, réplique-t-il en haussant les épaules. À présent, tu le sais. En partie, du moins.

— J’en reviens pas ! Je savais pas que tu étais un petit génie informatique !

Ça change tout. À présent, il va falloir qu’on ouvre un(e) cabinet médical/agence de détectives/boutique de bijoux/service de dépannage informatique. Une seconde ! Et mes chansons, alors ?

Cooper fait celui qui n’a rien entendu.

— On devrait trouver quelque chose là-dedans, dit-il en tapotant son ordinateur. Quelque chose qui nous a échappé. Le seul rapport entre ces deux filles, pour le moment, c’est Allington. Du moins, c’est le seul que nous connaissons. Mais, à ce que je vois ici, il doit sûrement y avoir autre chose. Je veux dire, à part le fait que ces deux filles étaient vierges, qu’elles avaient un dossier au secrétariat, et qu’elles n’avaient jamais fait parler d’elles avant que Chris ne les touche…

Mme Allington. Je suis à deux doigts de dire : « Et Mme Allington ? » Après tout, elle a un mobile. Elle a, de toute évidence – comment Sarah appellerait-elle ça ? Le complexe d’Œdipe. Mais à l’envers, car elle n’est pas amoureuse de son père, mais de son fils…

Bon, d’accord, Mme Allington trouve son fils sexy et en veut aux filles qui lui courent après. Au point de les tuer ? Et puis, Mme Allington a-t-elle pu fabriquer cette bombe, celle qui a été placée sur le toit de l’ascenseur ? Si l’on pouvait aller s’acheter une bombe dans les grands magasins, je pense que Mme Allington n’hésiterait pas à se procurer la sienne.

Comme on ne peut pas, on est contraint de la faire soi-même. Et pour faire une bombe, mieux vaut être sobre. Du moins, il me semble.

Or, depuis que Mme Allington vit à Fischer Hall, je ne l’ai jamais vue sobre une seule fois.

Avec un soupir, je jette un coup d’œil à la fenêtre. Je vois que l’appartement du président est éclairé. Que font les Allington à l’heure qu’il est ? Je me le demande. Il est près de sept heures. Sans doute regardent-ils les actualités.

Ou peut-être complotent-ils d’assassiner d’autres vierges innocentes ?

Lorsque la sonnerie de la porte d’entrée retentit, je sursaute.

— C’est le dîner, dit Cooper en se levant. Je reviens tout de suite.

Il descend chercher la nourriture indienne. Pendant ce temps, je garde les yeux rivés sur la fenêtre. Aux étages inférieurs, d’autres fenêtres s’illuminent tandis que les étudiants reviennent de leurs cours, de la cafétéria, de la salle de gym ou de leurs répétitions. L’une des minuscules silhouettes que j’aperçois aux fenêtres est peut-être celle d’Amber, la petite rousse fraîchement débarquée de l’Idaho. Est-elle assise sur son lit, à attendre un coup de fil de Chris ? Sait-elle qu’il est allé se planquer dans les Hamptons ? Pauvre petite Amber ! Je n’imagine pas ce qu’elle a pu faire, pour être convoquée par Rachel, ce matin.

C’est alors que je réalise…

J’ouvre la bouche pour parler mais, l’espace d’une minute, je suis incapable de prononcer un mot. Amber ! J’ai complètement oublié Amber et sa convocation de ce matin ! Pourquoi Rachel voulait-elle la voir ? Amber elle-même ignorait pourquoi la directrice l’a priée de se rendre à son bureau. Qu’a-t-elle fait, au juste ?

Amber n’a rien fait du tout. Hormis discuter avec Chris Allington.

C’est tout ce qu’elle a fait.

Et Rachel le sait, car elle m’a vue en leur compagnie après le concours de play-back.

Tout comme elle a vu Roberta et Chris à la soirée de la résidence. Et Elizabeth et Chris… où ça ? Où les a-t-elle surpris ensemble ? À une réunion d’information, peut-être ? Ou à une projection de film ?

Mais quelle importance, au fond ?

C’est Rachel qui a dit à Julio d’aller me chercher, sous prétexte que Gavin avait remis ça dans la cage d’ascenseur.

Et c’est sans doute elle qui s’est faufilée sur la terrasse des Allington et a tenté de me balancer ce pot sur la tête.

Et, lorsque la seconde fille est morte, Rachel ne se trouvait pas là où elle aurait dû être, c’est-à-dire à la cafétéria. Non… je l’ai rencontrée qui sortait des toilettes, situées juste à l’angle, juste après l’escalier, qu’elle a dû dévaler en courant après avoir poussé Roberta Pace dans le vide.

La clé qui a reparu aussi vite qu’elle avait disparu ? C’est Rachel qui l’avait. Rachel, la seule personne à qui le RE de service ne ferait pas signer le registre si elle empruntait une clé. La seule, aussi, dont la présence derrière le comptoir d’accueil n’attirerait pas l’attention… Parce qu’elle est la directrice de la résidence.

Quant aux deux victimes, ce n’est pas parce qu’elles avaient des dossiers dans le bureau de Rachel qu’elles sont mortes.

Elles avaient leurs dossiers dans le bureau de Rachel, parce que cette dernière avait décidé qu’elles devaient mourir.

— J’espère que tu as faim, dit Cooper en remontant à mon appartement, tenant un grand sac en plastique avec « J’aime New York » écrit dessus. Ils se sont plantés dans la commande, et nous ont mis un curry de crevettes et un curry de poulet… (Il s’interrompt, et me fixe bizarrement, d’un air soucieux.) Heather ? Ça va ?

Je parviens à peine à articuler :

— Earlcrest…

Cooper pose le sac sur la table de la cuisine.

— Oui… Earlcrest… Et alors ?

— C’est où ?

— Je n’en ai pas la moindre…, marmonne Cooper, en se penchant pour consulter son ordinateur. Oh, c’est dans l’Indiana. À Richmond, dans l’Indiana.

Je secoue la tête si fort que la serviette se détache, et mes cheveux humides me retombent sur les épaules. Non ! Pas possible !

— Oh mon Dieu ! je m’écrie, haletante. Oh mon Dieu !

Cooper me regarde comme si j’étais cinglée. Et vous savez quoi ? Je crois que c’est le cas, je crois que je suis cinglée. Sinon, comment expliquer que je n’aie rien vu quand, depuis le début, l’évidence était là, sous mon nez…

— Rachel y a travaillé, dis-je enfin d’une voix rauque. Rachel travaillait dans une résidence universitaire à Richmond avant de venir ici.

Cooper, qui était en train de sortir les barquettes de nourriture du sac en plastique, se fige soudain.

— Qu’est-ce que tu racontes ?

— À Richmond, dans l’Indiana, je répète.

Mon cœur bat à tout rompre, si fort qu’il me semble voir le revers de mon peignoir se soulever à chaque battement.

— C’est là que Rachel a occupé son poste précédent. À Richmond, dans l’Indiana.

Le visage de Cooper s’éclaire soudain. Il a compris.

— Rachel a travaillé à Earlcrest ? Tu crois que… Tu crois que c’est Rachel qui a tué ces filles ? demande-t-il en secouant la tête. Mais pourquoi ? Tu penses qu’elle serait allée jusque-là pour obtenir un Coquelicot ?

— Non.

Impossible que Rachel se soit amusée à pousser des gens dans la cage d’ascenseur pour obtenir un Coquelicot ni une promotion d’aucune sorte.

Car ce que veut Rachel, ce n’est pas une promotion.

C’est un homme.

Un hétérosexuel pesant plus de cent mille dollars par an, en comptant ses biens sous tutelle.

Christopher Allington. Christopher Allington est cet homme-là.

— Heather, dit Cooper. Heather ? Écoute, je suis désolé, mais c’est impossible. Rachel Walcott n’est pas une meurtrière.

Je retiens mon souffle. Puis :

— Et comment peux-tu l’affirmer ? Pourquoi ça ne pourrait pas être elle, autant que n’importe qui d’autre ? Parce que c’est une femme ? Parce qu’elle est jolie ?

— Parce que c’est de la folie. Allez, tu as eu une journée épuisante. Tu devrais peut-être te reposer.

— Je ne suis pas fatiguée. Réfléchis-y, Cooper. Sérieusement. Elizabeth et Roberta ont eu une entrevue avec Rachel juste avant de mourir… Ces trucs dans leur dossier, comme quoi leurs mères auraient appelé, je parie que ce n’est même pas vrai. Je parie que leurs mères n’ont jamais appelé. Et voilà qu’Amber…

— Sept cents étudiants résident à Fischer Hall, fait remarquer Cooper. Est-ce que tous ceux qui ont été convoqués par Rachel Walcott sont morts ?

— Non, juste les filles qui ont aussi eu une relation avec Christopher Allington.

Cooper secoue la tête.

— Heather, je t’en prie, sois logique. Comment Rachel Walcott pourrait-elle avoir suffisamment de force pour pousser dans une cage d’ascenseur une jeune femme adulte et capable de se débattre ? Rachel ne doit pas peser plus de cinquante-cinq kilos. C’est impossible, Heather.

— Je ne sais pas comment elle y parvient, Cooper. Je sais juste que c’est un peu gros, comme coïncidence. Rachel et Christopher étaient à Earlcrest l’année dernière, et à présent, comme par hasard, ils se retrouvent tous les deux à l’université de New York. Je te parie ce que tu veux que Rachel a suivi Christopher Allington, et ses parents, ici.

Comme Cooper semble toujours dubitatif, je me lève, repousse ma chaise contre la table, et lui lance :

— Il n’y a qu’une façon de s’en assurer !

Une envie de sucré
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